AUX LARMES CITOYENS !

Autopsie d’un montage : le Téléthon
Les sabotages menés depuis quatre ans contre l’irruption des OGM dans la société ont permis de retarder en Europe leur diffusion dans l’agriculture et l’alimentation. En revanche les prétentions scientifiques totalitaires de la génétique appliquées à l’homme sont rarement discutées. C’est pourtant ce que nous voulons commencer à faire à travers la critique de l’incontournable Téléthon.

Le Téléthon est le produit de la rencontre entre un laboratoire en manque de reconnaissance sociale et de financement, le Centre d’étude de polymorphisme humain (CEPH) et une association à la recherche désespérée de perspectives scientifiques, l’Association française contre les myopathies (AFM). De cet hybride entre le CEPH et l’AFM est née une nouvelle forme d’organisation de la recherche, une sorte de lobby techno-scientifique, qui a ensuite permis une réorientation générale de la recherche Génétique humaine sur les vecteurs des génothérapies (thérapies cellulaires, thérapies géniques et pharmacologie).
L’AFM a été créée en 1957 à l’époque où l’Etat, plus marqué en France qu’ailleurs par l’idéologie pasteurienne de la médecine infectieuse, considérait que les cas particuliers, réels ou supposés, qui ne relevaient pas de telles pathologies, étaient négligeables. Les politiques sanitaires de l’Etat visaient, pour l’essentiel, à maintenir la force de travail et à éviter les épidémies qui lui étaient préjudiciables. Les myopathes, entre autres, mouraient alors isolés dans l’indifférence générale, entretenue par ailleurs par les apparatchiks de l’Assistance publique. “Contre tous les dos tournés, la ville hostile, la médecine absente, la recherche timorée, la presse silencieuse, j’ai décidé de mener ce combat, le refus de la mort annoncée.” (Bernard Barataud, cofondateur de l’AFM). Tant que l’AFM s’est contentée d’initiatives élémentaires louables, entraide et solidarité pour soulager les malades et leurs familles, aide à la mobilité, maisons de soins, elle a fait œuvre utile.
Mais, moins d’un an après le premier Téléthon (1987), l’AFM dut se rendre à cette conclusion : “faute de pouvoir attaquer la localisation de nos quarante maladies, nous en sommes venus à financer la cartographie du génome humain.” (Barataud, Au nom de nos enfants, 1992). Cette association de malades devient alors, associée avec le CEPH, l’un des promoteurs principaux du complexe génético-industriel en France. Le Téléthon, en mettant en scène les myopates, allait devenir la vitrine larmoyante permettant de financer, à grand renfort de mobilisation de masse, partout relayées par des mairies, des écoles, des entreprises, des groupes sportifs, des artistes, des militaires et même des détenus.
Le système CEPH-Téléthon-AFM va alors en finir avec l’amateurisme en génétique et industrialiser le mode de recherche sur le modèle du nucléaire (Barataud était spécialiste dans les interventions d’urgences nucléaires). Il met en place l’infra-structure internationale nécessaire. On s’éloigne alors des myopathes, dont le rôle se borne à celui de faire valoir d’une entreprise industrielle et scientifique. Le Généthon (laboratoire créé par l’AFM et le CEPH) établit en 1993 la cartographie du génome humain (à différencier de son décryptage). Désormais, l’entreprise dépasse largement le cadre de la lutte contre les maladies dites orphelines et la “quête du Graal génétique” devient la règle pour masquer cet éloignement : les campagnes de recherche sont nommées “Grande tentative” ou encore “Nouvelles Frontières”.
Avec la réaffirmation incessante du désintéressement, on fait ce qu’il faut pour maintenir, malgré l’évidence, la croyance en une solution proche : “nous ne cherchons pas à faire de l’argent avec nos recherches” ; “nous voulons soigner les malades” ; “il est de notre devoir d’effectuer des recherches désintéressées, dont les résultats sont mis à la disposition de la communauté des scientifiques, sous le contrôle de l’Unesco”, etc.
Belle façade humanitaire ! Mais la question n’est pas là. En tant que telles, les maladies héréditaires n’intéressent pas l’industrie pharmaceutique. Leur marché est minuscule. Déjà, elle n’effectue presque aucune recherche et encore moins d’investissement pour les grandes épidémies qui ravagent la population mondiale, par exemple le paludisme. Le marché n’est pas solvable. Alors, les quelques milliers de myopathes… Si on consacre de gros efforts, via le Généthon en France, à des maladies très rares, dites orphelines, si des firmes comme EDF et France Télécom, hier indifférentes, commencent aujourd’hui à le sponsoriser, avec le Téléthon, c’est parce que les maladies rares présentent l’énorme avantage d’être, à première vue, des maladies génétiques presque “pures”, pour lesquelles le facteur héréditaire paraît essentiel. A travers le Téléthon l’objectif visé est la construction de l’acceptation sociale de la génétique et de son expansion à tous les domaines : à commencer par la médecine, dans laquelle on géné ralise l’approche génétique à toutes les maladies, l’agriculture avec les OGM ou encore la police avec les tests ADN.